Le fonds BlackRock aurait influencé la réforme des retraites

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18 déc. 2019 Théophile Robert 1442 vues

Plusieurs médias dont Mediapart et L'Humanité accusent la société de gestion d'actifs américaine BlackRock d'avoir influencé le gouvernement français dans sa nouvelle réforme des retraites. Cette réforme pousserait à la capitalisation des retraites françaises. Une polémique qui en ajoute encore, dans un contexte de grève déjà tendu.

Pourquoi certains médias en ont-ils après BlackRock ?

Ce qui est sûr, c'est la société de gestion d'actifs américaine ne s'attendait pas à une telle polémique. Mais sa mise en cause est bien réelle : « BlackRock souffle ses conseils pour la capitalisation à l'oreille du pouvoir », écrit Médiapart. « Un géant américain de la finance à l'assaut des retraites des Français », accuse L'Humanité. Le journal d'extrême gauche enchaîne : « Le président de la République et le gouvernement sont prêts à bloquer durablement le pays, à faire vivre aux Français, qu'ils soient grévistes ou non, des jours difficiles, pour une réforme qui n'est approuvée que par le seul Medef et plus exactement par le haut du panier du patronat. (...) Cela, le patronat le voulait, le pouvoir le veut en se conformant, comme on l'a révélé, à la check-list du fonds de pension BlackRock. Il le veut et il le tente. »

Mais qui est vraiment BlackRock ? Ce géant est une multinationale américaine qui gérait pas moins de 6960 milliards de dollars en septembre 2019. D'après Mediapart, cette société est extrêmement influente et a connu un essor « sans précédent » depuis la crise économique de 2008. Les relations entre Emmanuel Macorn et BlackRock ne sont quant à elles pas inconnues. En avril 2017, son président et co-fondateur Larry Fink encourageait la candidature de l'actuel président de la République.

En outre, certains avaient déjà remarqué que BlackRock avait applaudi à la réforme de l'épargne-retraite à travers la loi Pacte. Avec cette mise à jour des régimes d'épargne retraite, Bercy misait sur une hausse de l'épargne retraite de 230 milliards à 300 milliards d'ici 2022. « Nous pensons que la loi Pacte (...) constitue un effort certain d’amélioration du système d’épargne retraite volontaire », peut-on lire dans une note du géant américain. Cette loi prévoit notamment l'unification des plans d'épargne retraite vers un nouveau type de contrat : le PERin (plan épargne-retraite individuelle).

La réforme pousserait à la capitalisation des retraites

Pour les médias menant l'accusation, la réforme des retraites serait très fructueuse pour BlackRock. En effet, le gouvernement Philippe a annoncé que les cotisations des salariés gagnant plus de 120 000 euros brut annuels ne bénéficieraient plus de droit à la retraite dans le futur régime universel (leurs cotisations seront affectées à la solidarité). Ainsi, cela les inciterait naturellement à se diriger vers des organismes d'épargne retraite privés, tels que BlackRock.

Dans la note de l'entreprise, on peut aussi constater que l'épargne des Français suscite son intérêt : « Fin 2017, seuls 130 milliards d'euros avaient été collectés dans ces produits [d'épargne retraite], ce qui est décevant par rapport à l'épargne déposée en liquidités [1500 milliards d'euros], les produits d'assurance-vie en euros [1600 milliards d'euros] ou les investissements directs/indirects en actifs non financiers [plus de 7 600 milliards d'euros]. »

Un propos à modérer

Pour BlackRock, ces accusations ne correspondent pas à la réalité. Il dit aux Échos ne pas vouloir commenter ces articles, « qui sont par ailleurs inexacts », selon ses dires. Le fonds américain a également déclaré à l'Express : « Dans le cadre de la loi Pacte, le gouvernement a redéfini l'univers des produits d'épargne-retraite qui permettent aux épargnants de constituer un revenu qui vient en supplément des régimes de base et complémentaire. [...] BlackRock continuera d'offrir, au travers de ses équipes locales, des solutions d'épargne performantes destinées aux différents acteurs financiers qui souhaitent proposer ces produits aux épargnants français. »

Le Premier ministre Édouard Philippe veut rassurer : « Le régime universel est fondé sur la solidarité nationale, jusqu’aux 120.000 euros annuels tout le monde cotisera au même taux pour s'ouvrir des droits dans la limite de ce montant. Et au-delà de ce montant, les plus riches paieront une cotisation de solidarité plus élevée qu'aujourd’hui (2,8%) qui financera non plus des droits pour eux, mais des mesures de solidarité pour tout le monde. C'est un effort qui me paraît juste, tout le reste n'est que littérature. »

Et il faut dire qu'avec la réforme, la part des actifs concernés par la capitalisation est réduite : ils ne sont que 300 000 à se situer au-delà de 120 000 euros bruts par an et en dessous de 320 000 bruts annuels (l'ancien pallier qu'il fallait dépasser pour ne plus profiter de la retraite). On estime en réalité que trois milliards d'euros par an pourraient revenir aux fonds privés d'épargne retraite, ce qui représente 1% des cotisations actuelles. D'après l'économiste Jean-Charles Simon, « c'est un marché modeste mais aussi très hypothétique. « Si les cadres ne paient plus ces cotisations, rien ne dit qu'ils décideront d’épargner et qu’ils choisiront l'épargne retraite. Admettons que cela génère un flux d’un milliard par an et que 10% seraient placés en ETF BlackRock, cela ferait un enjeu de revenus annuels de 500.000 euros pour BlackRock… Modeste pour un complot », conclue-t-il.