Retour au bureau : comment remobiliser ses collaborateurs ? Rencontre avec David Mahé
SOCIÉTÉ Votre devis gratuitAvec la progression de la campagne de vaccination, cet été 2021 va servir de banc d’essai à une nouvelle organisation du travail en entreprise, afin de préparer la rentrée de septembre. Parmi les interrogations majeures se pose celle de la répartition entre le télétravail et le présentiel. David Mahé, fondateur de Human & Work, premier groupe de conseil européen consacré à l'humain au travail, revient pour nous sur les enjeux de cette nouvelle vie en entreprise qui se dessinent.
Comment motiver des salariés à revenir au bureau après des mois de télétravail ?
La première observation, c'est que le retour au bureau est à la fois un questionnement pour les salariés et pour les entreprises et managers. Aujourd'hui, le télétravail est devenu une réalité pour beaucoup, et l'organisation du travail que nous aurons dans les prochains mois sera fortement influencée par cette expérience que nous avons eue depuis 18 mois. Il y a des éléments sur lesquels le télétravail est un facteur de motivation, et d'autres où il montre aussi ses limites. L'idée est de prendre le meilleur de ces expériences pour motiver les salariés à travailler au mieux, à la fois chez eux et en présentiel.
Tout d’abord, l'enjeu du bureau, de l'usine, ou de l'atelier, est bien de travailler ensemble, d'organiser des moments collectifs de vie à plusieurs. Il s’agît d’un premier élément de motivation. Le travail ne consiste pas uniquement à additionner des capacités individuelles, c'est aussi faire travailler ensemble des personnalités différentes. Les salariés ont aussi besoin de lien social, ils ont besoin de trouver dans le cadre de leur entreprise un écosystème, une communauté, des collègues, et je pense qu'organiser des moments et des lieux pour que les salariés se rencontrent et aient du plaisir à se voir contribuent à la motivation. Enfin, il faut également faire évoluer les pratiques de management. Je pense que le télétravail apporte une liberté plus grande, et le rôle du manager est aussi de nourrir ce sentiment d'autonomie, et de ne pas hypercontrôler les télétravailleurs. Cette évolution, qui repose sur une relation de confiance, permettra au salarié de comprendre que l’on a aussi parfois besoin de lui en présentiel, mais que son besoin d’autonomie est aussi entendu et respecté.
Pour résumer, les salariés souhaitent être plus autonomes dans l'organisation de leurs tâches, mais aussi que leurs managers les aident à grandir dans leur travail. Cela passe par autre chose qu'un contrôle excessif des tâches, et plutôt par une organisation collective, et par l'animation de l'équipe comme un tout, que les salariés soient chez eux ou sur place.
Y a-t-il un besoin de légiférer au sujet du télétravail ? La législation en vigueur est-elle suffisante ?
Je ne pense pas qu'il y ait besoin de légiférer, le cadre légal aujourd'hui est parfaitement adapté à la situation des entreprises. En revanche, il faut plutôt négocier au sein des entreprises l'organisation du travail et en particulier le temps autorisé en télétravail. Il y a un besoin de dialogue supplémentaire pour établir la façon dont nous allons travailler dans les mois et les années qui viennent, en intégrant évidemment beaucoup plus de télétravail qu'avant, mais aussi en repensant l'organisation, les pratiques de management, les comportements professionnels, avec le travail transformé par les nouvelles technologies également.
« Il y a un besoin de dialogue supplémentaire pour établir la façon dont nous allons travailler dans les mois et les années qui viennent, en intégrant évidemment beaucoup plus de télétravail qu'avant, mais aussi en repensant l'organisation, les pratiques de management, les comportements professionnels, avec le travail transformé par les nouvelles technologies également ».
Quels sont les critères qui devront être pris en compte pour établir le nombre de jour en télétravail et ceux en présentiel ?
Tout d’abord, le premier critère à avoir en tête est qu’il y aura très probablement dans les années à venir une tendance à augmenter le nombre d’heures de télétravail, par rapport à la situation qui prévalait avant la crise sanitaire. Il faut ensuite veiller à avoir des lieux propices à cette évolution, c'est-à-dire que les bureaux vont forcément changer, pour permettre aux travailleurs présentiels de bien faire leur travail, et pour motiver les télétravailleurs à venir y travailler. On se dirige sans doute vers davantage de bureaux partagés, avec plus d'espaces dédiés à des activités collectives. Le critère de l’espace futur des entreprises sera aussi déterminant : les capacités d’accueil en présentiel détermineront le nombre de jours de chacun en télétravail. Enfin, le troisième élément est l’organisation du travail en général. Les moments de vie collective, d'apprentissage, et de développement des projets doivent être intégrés à un agenda, et sans doute davantage anticipés, pour permettre un roulement efficace et l’implication de chacun. C'est une façon nouvelle de manager ses équipes.
D’autres aspects du travail vont sans doute être entérinés par la crise sanitaire, on pense au roulement des équipes, à l’hygiène en entreprise etc.
Il y a un certain nombre d'acquis perçus comme intéressants par les salariés et qui seront définitifs, en effet. D'abord, le fait d'avoir une routine avec plus de télétravail qu'avant, une capacité à gérer avec relativement d'autonomie son agenda personnel, et enfin le fait de bien nommer ce qu'on attend de l'entreprise, et ce que l'entreprise attend du salarié. Ce qui a évolué forcément ce sont les questions qui touchent à la technologie et à l'autonomie, tout ce qu’il y a à inventer c'est l'organisation collective du travail grâce à ces avancées. Vous avez beaucoup de salariés pour lesquels ces avancées suscitent des interrogations au sujet du manque de vie collective, notamment en termes d'intégration ou pour apprendre un métier.
Quels sont les risques psycho-sociaux associés au télétravail ?
Le télétravailleur est très autonome, et on a tendance à oublier les bonnes pratiques de santé, quand on est en télétravail. Souvent, en « distanciel », on ne déconnecte pas beaucoup, ce qui créé un risque psychosocial supplémentaire. D'autre part, en termes de reconnaissance professionnelle, les salariés en télétravail peuvent être un peu frustrés. L'entreprise reconnait moins, ou a plus de difficulté à reconnaître les efforts des uns et des autres. Enfin des questions d'équilibre entre la vie pro et la vie perso se posent également. Le télétravailleur fait entrer soudainement l’entreprise dans sa sphère privée, et il impose à sa sphère privée des conférences, des calls, des horaires... Il prend des mètres carrés disponibles dans sa vie privée pour l'entreprise. Tout cela créé finalement des risques psycho-sociaux spécifiques qui méritent d'être pris en compte.
Comment prévenir ces risques à l’avenir ?
L'entreprise s'est organisée pour vous offrir des conditions de santé et de sécurité correctes, et quand votre lieu de travail devient votre maison, vous avez aussi la nécessité de prendre soin de vous, mais par vous-même. La prévention des risques passe par une politique de l'entreprise en la matière, par un dialogue avec l'ensemble des parties prenantes sur ce sujet, et puis, enfin, par une implication des salariés à ces sujets de prévention autour de l’équilibre vie pro/vie perso. Il ne faudrait surtout pas gâcher une autonomie facteur de plaisir, de satisfaction et de motivation par une non prise en compte de fondamentaux et de la santé au travail. Pour ce faire, il faut veiller à inclure de la prévention à ce sujet dans les entretiens individuels du salarié. Mais aussi lui offrir des conditions de télétravail adaptées (en termes de matériel) et être certain qu'il connaisse les bonnes pratiques de l'entreprise, le tout en lien avec la médecine du travail et l'équipe managériale.
Comparez gratuitement vos assurances professionnelles en moins de 2 minutes pour protéger votre activité au meilleur prix !