Grèves : les assureurs boudent la garantie pertes d'exploitation sans dommages

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02 mars 2020 Théophile Robert 2579 vues

À l'heure actuelle, les risques se durcissent dans le secteur professionnel. Les grands risques ont un coût de plus en plus élevé, la France a fait face au mouvement des Gilets Jaunes puis à la grève interprofessionnelle contre la réforme des retraites. Alors que s'assurer contre les pertes d'exploitation sans dommages devient toujours plus capital, les assureurs rechignent à proposer des garanties réellement avantageuses.

Grands risques, grèves, Gilets Jaunes... Un besoin croissant en pertes d'exploitation sans dommages

Les commerçants ont été les premiers à le constater durant les deux dernières années : l'occupation d'un centre-ville ou d'un site industriel par des manifestants peut avoir de véritables conséquences sur le chiffre d'affaires d'une société. D'autres risques peuvent également provoquer une perte d'exploitation sans pour autant causer de dommages directs. Cela peut être un problème d'ordre logistique, comme c'est aujourd'hui le cas avec le coronavirus COVID-19. On peut également imaginer une cyberattaque entraînant une mise hors-ligne d'un site marchand.

De facto, le besoin en assurance pertes d'exploitation sans dommages est croissant. Cette garantie bien spécifique est pourtant relativement nouvelle : elle avait été créée il y a dix ans après l'éruption du volcan islandais Eyjafjöl. Et aujourd'hui, les assureurs boudent cette garantie. En effet, ce type de sinistres s'avère souvent généralisé ; il faut donc gérer un nombre important de cas sur une même période, entraînant des coûts faramineux.

« Pour les commerces et restaurants, cela ressemble à un sinistre « tempête », mais sans la possibilité de mutualiser le risque », explique Frédéric Lavielle, directeur technique professionnels, agricole et entreprises chez Allianz France. D'ailleurs, les compagnies d'assurances étudient des solutions dans le but d'instaurer une solidarité entre les assurés professionnels.

Les prix des primes d'assurances augmentent... et les garanties se réduisent

En outre, les assureurs éprouvent quelques difficultés à estimer le montant des pertes d'exploitation sans dommages, tout en considérant les potentiels reports d'achats des clients. C'est-à-dire qu'un client qui ne peut consommer à un instant T à cause d'une impossibilité d'accès peut choisir de consommer une fois le sinistre passé, en boutique ou encore en ligne. « Nous avons sous-estimé nos tarifs, car nous n'avions pas imaginé que cela puisse prendre une telle ampleur, explique Frédéric Lavielle. Nous revoyons donc nos conditions de prime et analysons précisément chaque demande. »

Devant une telle situation, les assureurs préfèrent donc augmenter le prix des cotisations, parfois même de 20 à 40 % dans le cas de violences politiques. Et l'on ne parle pas uniquement des Gilets Jaunes ou des grèves mais également des manifestations à Hong Kong ou encore au Chili, qui contribuent à tendre le marché mondial.

Les grands groupes sont également concernés par ce recul des assureurs

Avec un phénomène d'une telle ampleur, les grands groupes ne sont pas épargnés. Les garanties proposées par les assureurs comportent de plus en plus d'exclusions, en particulier dans le domaine du cyber-risque. D'autant plus qu'à l'heure actuelle, le cyber-risque est le premier risque d'entreprise, d'après Allianz. Et les courtiers ne peuvent obtenir pour leurs clients plus que des garanties non-reconstituables, d'une valeur trois à quatre fois supérieure à la prime annuelle globale.

Aujourd'hui, les compagnies d'assurance ne veulent plus accepter de gérer un risque qu'elles ne maîtrisent pas, ou peu. « Aujourd'hui, les garanties sont étudiées de près, circonscrites à un nombre de fournisseurs préétabli, avec une information complète sur les localisations de leurs sites industriels assorti d’une étude de risques détaillée de ces derniers, détaille Laurent Giordani, dirigeant de Kyu Associés, un cabinet de conseil en management et gestion de risques. Pire, les 200 risk managers que nous avons interrogés à l'occasion des rencontres de l'Amrae 2020 sont très peu assurés et jugent les primes des assurances en perte d'exploitation prohibitives. » Face à ces difficultés, les risk managers visent à toujours mieux cerner les risques de leurs fournisseurs. La mutualisation du risque apparaît également comme une solution potentielle.

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